Qu'est-ce qu'un délit de marchandage ?
Résumé de l'article L125-1 du Code du travail
L’article L125-1 du Code du travail stipule que toute opération lucrative de fourniture de main-d’œuvre causant un préjudice aux salariés ou éludant les dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles est interdite. Par ailleurs, les associations d’ouvriers ne sont pas considérées comme pratiquant le marchandage. Uniquement si leur but n’est pas l’exploitation mutuelle des ouvriers.
Nota : L‘ordonnance 2007-329 (12 mars 2007) et la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ont fixé les dates d’entrée en vigueur du nouveau code du travail au 1ᵉʳ mars 2008 et 1ᵉʳ mai 2008 respectivement.
Le délit de marchandage consiste à faire passer un salarié sous l’autorité d’un client, au détriment de son employeur, entraînant des conséquences sur ses conditions de travail. Ce délit est souvent confondu avec le prêt de main-d’œuvre illicite, les deux étant fréquemment concomitants.
Article L8241-1 du code du travail
L’article L8241-1 du Code du travail définit le prêt de main-d’œuvre illicite comme étant “toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre.” Toutefois, des exceptions existent, notamment pour le travail temporaire. En effet, les entreprises de travail à temps partagé, l’exploitation d’agences de mannequins, et certaines dispositions liées au sport ou aux organisations syndicales.
Une opération de prêt de main-d’œuvre n’est pas illicite si l’entreprise prêteuse ne facture que les salaires, charges sociales et frais professionnels liés à la mise à disposition.
Contrairement au délit de marchandage, le prêt de main-d’œuvre illicite nécessite une mise à disposition du salarié. Tandis que le marchandage peut exister sans fourniture de main-d’œuvre et doit causer un préjudice au salarié, ce qui n’est pas requis pour le prêt de main-d’œuvre illicite.
Qu'est-il prévu en cas de délit de marchandage ?
Que dit la loi ?
La loi explique clairement qu’il est interdit à une entreprise de mettre ses salariés à disposition d’une autre entreprise. Notamment si elle viole les droits des salariés ou élude la loi dans le but de réaliser un profit.
Pour faire simple, le délit de marchandage est composé de 3 critères :
- Mise à disposition du personnel
- Le personnel procure un gain financier pour l’entreprise
- Le salarié subit un préjudice ou bien, il y a une non-application des dispositions législatives ou conventionnelles.
Le délit de marchandage selon la jurisprudence
La jurisprudence permet de donner une indication fiable sur les contextes les plus risqués, et renseigne sur les points de vigilances à adopter afin d’anticiper tout litige. Chaque cas est différents, c’est donc pour cela que les juges appliquent les textes de loi au regard des faits.
Ainsi, les juges ont tendance à retenir assez facilement la caractérisation du délit de marchandage dès lors que deux éléments sont réunis :
- Une opération à but lucratif de fourniture de main d’œuvre : À titre d’exemple, lorsqu’une entreprise recourt au prêt de main-d’œuvre afin de contourner volontairement les dispositions légales ou conventionnelles, le délit de marchandage est aisément constitué.
Cette notion de but lucratif est large puisqu’il peut s’agir d’un « bénéfice pécuniaire ou d’économie sur l’embauche des salariés » (Cass. crim., 23 mars 1993, n°98-82.934). La jurisprudence précise que le “prêt illicite devait entraîner, au profit de l’utilisateur ou du prêteur de main d’œuvre, un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire” (Cass. crim., 11 juillet 2017, n°16-86092).
- Caractère exclusif du prêt de main d’œuvre : L’infraction de prêt de main d’œuvre illicite suppose que la mise à disposition de personnel soit exclusive de toute autre prestation, au regard des prestations du prêteur. Cette exclusivité n’est pas nécessaire pour retenir le délit de marchandage.
- Préjudice causé aux ouvriers : Le délit de marchandage est caractérisé dès l’instant que les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents (Cass. crim., 20 oct. 1992, n° 91-86.835).
La jurisprudence reconnaît que des critères complémentaires peuvent caractériser l’infraction : lorsque le client exerce une certaine autorité sur les salariés du prestataire (structure de portage), en donnant des instructions, en approuvant l’embauche du personnel ou en assurant sa formation et en le dirigeant parfois (Cass. crim., 28 janv. 1997, n° 96-80.727 ; Cass. crim., 30 oct. 1995, n° 94-84.807 ; Cass. crim., 3 mai 1994, n° 93-83.104 ; Cass. crim., 22 oct. 1996, n° 96-80.194).
Quelles sont les sanctions encourues lors d'un délit de marchandage ?
Les peines encourues
Le délit de marchandage est une infraction à prendre au sérieux même si sa réalisation est parfois involontaire, cependant les sanctions peuvent être très lourdes.
Deux ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ou 10 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Interdiction de sous-traiter de la main d’œuvre pour une durée allant de deux à dix ans. L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, aux frais de la personne condamnée, dans les conditions fixées par l’article 131-35 du Code pénal (et article L. 8234-1 Code du travail).
Les cas exceptionnels
La jurisprudence peut accepter le prêt de main-d’œuvre entre entreprises si la société utilisatrice, cliente de la société fournissant le salarié pour la prestation de services, rembourse à cette dernière tous les salaires et charges sociales dudit salarié concernant sa mission au sein de l’entreprise. (Cass. Soc., 7 décembre 2016, n°15-17873 ; Cass. Soc., 18 mai 2011, n°09-69.175).
Quelles sont les situations susceptibles de constituer un délit de marchandage ?
La sous-traitance et l’externalisation sont de plus en plus utilisées par de nombreuses entreprises. C’est souvent dans ce cadre qu’un délit de marchandage peut avoir lieu.
Le principal avantage pour une entreprise est de pouvoir se focaliser sur son cœur de métier en déléguant des domaines particuliers à un spécialiste extérieur.
Par exemple, de nombreuses entreprises font appel à des cabinets de recrutement afin de réinvestir leur temps gagné pour d’autres choses.
- L’externalisation d’une activité par une entreprise peut prendre deux formes contractuelles : un contrat de sous-traitance ou un contrat de prestations de services.
- La sous-traitance est une opération par laquelle une entreprise (le donneur d’ordre) confie à une autre entreprise (le sous-traitant) la tâche de réaliser pour elle une partie des actes de production et/ou de services dont elle demeure responsable. Toutes deux vont conclure un accord pour prestation de service.
La prestation de services et la sous-traitance sont des contrats risqués. En effet, certaines manœuvres peuvent entraîner la caractérisation de délit pénal tel que le délit de marchandage.